La nuit, un embarquement présente beaucoup de difficultés. Un talus derrière un butoir permet l’accès aux wagons plates-formes qui reçoivent un à un nos chars.
Guidés par des lampes torches, je suis le premier à « grimper » pour aller me placer en tête du convoi. La manœuvre n’était pas facile, à chaque changement de plate-forme le char agit comme un levier et fait cabrer la suivante. Il y a au moins dix ou douze plates-formes à franchir et l’étroitesse de celles-ci complique les choses. Enfin me voici arrivé au bout…
En tête du convoi, des wagons « standards » nous accueillent et c’est dans la paille fraîche que nous attendons le départ, puis l’acheminement vers un lieu que nous ignorons. Recrus de fatigue, nous nous endormons…
Soudain, le fracas de bombes nous réveille… Par l’entrebâillement de la porte roulante et par les lucarnes, des éclairs rougeoyants nous parviennent. Le convoi ralentit, puis s’immobilise. La terre tremble, les vibrations nous sont transmises par les rails. C’est Beauvais que l’ennemi bombarde et qui flambe ! C’est hallucinant, nous n’avions jamais été témoins d’un tel spectacle. Combien de temps cette chose effroyable a-t-elle pu durer ? Les minutes sont longues en des moments pareils…
Le fracas des bombes a cessé et le vrombissement des avions s’éloigne. Alors le convoi se remet en marche, doucement, le bruit de la jonction des rails nous parvient, puis plus vite… Personne n’ose parler.
Les premières lueurs du jour nous parviennent.